ROBOTISATION ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : LE MALAISE

Par: Léon Ouaknine


Les gens ont peur de la robotique et de l’intelligence artificielle. Bien qu’il y ait un lien entre les deux, il s’agit dans les faits de deux problématiques distinctes.
En ce qui touche à la robotisation, la peur découle d’une transformation du mode de production économique, telle qu’elle éliminera des secteurs entiers du monde du travail et ce dans presque tous les domaines. On prévoit que dans les deux ou trois prochaines décennies, un emploi sur trois disparaîtra. D’autres emplois surgiront mais tout laisse penser qu’il y en aura beaucoup moins. De plus, contrairement à la croyance populaire, il y a plus de chances de voir des emplois de très haute technicité disparaître que dans ce qui touche aux services à la personne. Par exemple, il y aura plus de disparition de postes de chirurgiens et de médecins, que de coiffeurs, car le coût de la robotisation de coiffeur sera bien plus élevé que le gain espéré. Idem pour les femmes et hommes de ménage. Le secteur du transport et du camionnage va littéralement fondre. Pensez aux chauffeurs de taxi à Londres qui passaient au moins 2 ans à mémoriser les milliers de rue de la ville, et d’un coup avec le GPS, leur utilité a disparu en l’espace d’un éclair, avec les voitures autonomes, ce sera un secteur enterré dans une quinzaine d’années. Le pire est que la scolarisation accrue n’aidera qu’un petit pourcentage de gens, ceux capables de maîtriser des processus très complexes. 
Cette robotisation accrue de l’économie repose évidemment sur un développement accéléré de logiciels de plus en plus puissants, par exemple dans la traduction, dans quelques années, je me demande même si ça vaudra le coup d’apprendre des langues étrangères, tant il sera facile d’avoir un traducteur logé dans une oreille et qui traduira dans les deux sens, ce que vous dites et ce que vous entendez. Ces logiciels toutefois ne seront pas dotés d’IAG (Intelligence Artificielle Générale)

Le développement d’une véritable IAG

Un nombre non négligeable de scientifiques de haut rang (Stephen Hawking, Nick Bostrom, Mark Teiggart ...) et d’entrepreneurs hors du commun comme Elon Musk, ont exprimé de vives inquiétudes quant à l’apparition d’IAG, car celles-ci pourraient rapidement atteindre un niveau d’intelligence comparable à l’intelligence humaine et ensuite procéder de façon exponentielle à leur amélioration continue pour atteindre un seuil qui les situeraient dans un rapport à l’homme comme celui-ci l’est par rapport au chien ou même à la fourmi, autrement dit une intelligence si colossale que l’espèce humaine n’aurait aucune chance de survie si une telle intelligence décidait de l’éliminer comme on élimine un insecte nuisible. 
Et c’est sur ce point que j’accroche.
Si effectivement une telle intelligence était dotée d’agentivité - c’est-à-dire d’intentionnalité couplée à la capacité d’agir - je ne donnerais pas cher de la peau de l’humanité car si on se fie à l’histoire de l’homo sapiens sapiens, celui-ci a montré une détermination cruelle à instaurer son règne sur toutes les autres espèces. 
Cependant, je n’arrive pas à comprendre comment une « pure » intelligence si puissante soit-elle exhiberait une volonté quelconque, à moins qu’elle n’ait été programmée à cet effet. L’intelligence en soi, ne génère pas la volonté ni le désir, ne nourrit aucune passion, ni ne cultive aucune vertu. Ces dispositions ont leur sources dans les structures les plus primitives et essentielles du cerveau, comme la faim, la soif, l’instinct de survie et de reproduction. L’intelligence est une capacité à comprendre, pas à vouloir. Or le désir est à la source de tout acte volontaire, mais d’où vient le désir ? Si je me fie à la biologie évolutionniste, le désir surgit du manque et chez les humains, s’accompagne de la conscience de ce manque. Le manque est spécifique aux êtres vivants, car il est la condition sin qua non de la survie. Le hasard a sélectionné au cours des âges les ensembles moléculaires aptes à survivre, les autres ensembles disparaissent purement et simplement de l’environnement. La vie est une machine capable de lutter contre l’entropie, le seul ensemble négantropique connu. Or une IAG, à moins qu’elle n’ait été programmée pour cela, ne «souffrirait » d’aucun manque, n’aurait donc aucun désir, aucune volonté propre, même si elle était dotée d’une conscience de soi artificielle. 
L’idée que le désir et subséquemment la conscience de soi, la volonté, puis l’intentionnalité et l’agentivité puissent accidentellement surgir me paraît absurde. 
Le danger par contre est réel, si on programme une IAG avec des impératifs de survie.




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