L'intégration n'est pas qu'une affaire d'immigrants

Par: Annie-Ève Collin

Dans un précédent billet, j'écrivais que le fait de porter le voile dans des cultures où l'émancipation des femmes a été gagnée au siècle dernier est un défaut d'intégration. Cela implique qu'il s'agit d'un défaut d'intégration ici au Québec, dans l'ensemble du Canada, et dans bien d'autres cultures occidentales. Il s'agit aussi d'un défaut d'intégration dans une culture où la religion est largement considérée comme quelque chose qui doit rester dans la sphère privée : l'étalage en public de la religion heurte de nombreux Québécois.


J'entends d'ici ceux qui me rétorqueraient : "Oui mais la charte des droits et libertés!" Bien sûr que c'est LÉGAL de porter le voile (et ça doit le rester, je suis contre le voile, mais le rendre illégal serait sans contredit illégitime). C'est légal de roter en public aussi. Qu'une façon d'agir soit légale ne suffit pas pour conclure qu'elle est en phase avec la culture, avec les moeurs et avec les valeurs les plus importantes d'une société.

Lorsqu'il est question d'intégration, on pense spontanément aux immigrants. L'intégration à la société serait-elle strictement une affaire d'immigrants? Absolument pas. On est éduqué, on est socialisé, dans le but que l'on devienne intégré à la société dans laquelle on vit, même si on passe toute sa vie dans la région où on est né. La socialisation peut être réussie ou non. 

Voici où je veux en venir : je veux répondre à un argument qu'on entend parfois, celui qui invoque les Québécoises qui portent le voile. En effet, le voile n'est pas porté uniquement par des immigrantes. Certaines femmes d'origine québécoise se sont converties à l'islam et ont commencé à porter le voile. D'autres viennent de familles originaires de pays où la majorité de la population, ou encore une bonne partie de la population est musulmane, elles viennent de familles musulmanes, mais elles sont nées au Québec. 

Cela ne prouve aucunement que le voile ne relève pas d'un défaut d'intégration. Une Québécoise qui porte le voile, quelles que soient ses raisons de le porter et ses intentions, fait un doigt d'honneur aux féministes québécoises qui ont lutté contre la mentalité selon laquelle les femmes, parce qu'elles sont des femmes, doivent couvrir leur corps. De plus, elle étale constamment sa foi publiquement dans une culture où on a lutté pour que la religion soit reléguée à la sphère privée. 

Aujourd'hui, on assiste à des tentatives (souvent réussies) d'imposer le voile, de lui donner de la visibilité dans toutes sortes de contextes où ça pose particulièrement problème : les garderies, les écoles, la fonction publique, etc. Dernièrement, il a été question de l'admettre aussi dans la police. Les réactions de la population parlent d'elles-mêmes. Interdire légalement le voile serait sans doute exagéré. Y réagir quand on le voit (tant que les réactions ne représentent pas des atteintes à l'intégrité des femmes qui le portent) est parfaitement légitime. Des interdictions contextuelles, décidées par les organisations, les associations de la société civile, seraient tout à fait raisonnables : établir un décorum dans des circonstances particulières n'a jamais été considéré comme une atteinte aux droits et libertés fondamentales...mais quand il est question de religion, on voudrait nous faire admettre que c'en est une.



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