ANTIRACISME : UN RACISME À GÉOMÉTRIE VARIABLE

Par: Léon Ouaknine


Le Larousse définit l’antiracisme comme ce qui s’oppose au racisme.

Cette définition s’apparente à un syllogisme quasi aristotélicien, si A = racisme alors non A = antiracisme.

Raisonnement d’une beauté formelle, hélas c’était compter sans la perversité du réel où selon les victimes, si non A = antiracisme, alors A = occident = très méchant.

 

Antiracisme :  mode parodique : Les Animaux malades de la peste

 

Le racisme est puant, la rumeur s’en répandit et du monde entier tous les peuples racisés furent convoqués pour nommer et combattre ce mal qui répand la terreur. Chacun jura qu’il n’était coupable d’aucun acte raciste, pas même d’une peccadille, la couleur de sa peau faisant foi de sa sincérité. Un seul des présents, le blanc occidental, agissant comme l’âne de Jean de La Fontaine, reconnut bien volontiers qu’il était l’auteur d’une longue suite d’abominations, mais qu’il avait changé et demandait pardon à tous ceux qui avaient souffert de son passé sulfureux et même aux mahométans de peau bien blanche, dont l’un des commandements de la religion de paix leur interdisant de prendre pour ami, mécréants, chrétiens ou juifs, n’était pas raciste puisque ordonné par leur livre saint. Il devint vite évident aux yeux de tous, qu’il ne pouvait y avoir nulle victime, sans que quelque part, un blanc colonial n’ait activement contribué à son malheur.  Sitôt avouée et dûment constatée, la nature monstrueusement raciste du blanc colonial révulsa jusqu’aux plus timorés et suscita une immense clameur des peuples assemblés, dont la non-blanchitude témoignait de la blancheur de leur âme.

Tous s’écrièrent « Quoi, manger l’herbe d’autrui, quel crime abominable, seule la mort peut expier un tel forfait ». Cependant, vu la disproportion des forces en présence, les victimes, se reposant sur la confession du coupable, plutôt que de prendre les armes pour le combattre jusque dans ses forteresses, jugèrent plus opportun d’édicter que le simple fait d’être blanc et occidental serait à l’avenir une preuve d’infamie racialiste et pour garantir enfin une terre lavée de tout racisme, exigèrent l’abolition des frontières du monde blanc, en vue de procéder à un grand remplacement. Ce à quoi, noyé dans le chagrin d’une âme irrémédiablement souillée, jugeant cette vindicte justifiée, le blanc rendit ses frontières toutes poreuses et, à l’image du corbeau qui ouvrant son large bec laissa tomber sa proie, offrit sans coup férir aux migrants légaux et illégaux, ses contrées ancestrales. Les nouveaux arrivants s’érigeant en indigènes de la République, tout aussitôt investir nombre de bourgades et autres quartiers, et les proclamèrent territoires interdits au blanc colonial, qui dès lors ne s’y aventurait plus que furtivement.

Ainsi cher lecteur, ami de la doxa de cette ère éclairée, du réel oublions l’existence, il suffit en ces temps nouveaux de charger le baudet de tous les maux racistes, pour qu’enfin l’antiracisme advienne. 

 

Antiracisme :  mode discursif :

 

L’antiracisme est devenu — en occident et seulement en occident, et ce depuis que la Shoah, s’est imposée à la conscience universelle comme l’horreur indépassable — plus qu’un positionnement moral, une religion ! Une religion à l’aune de laquelle toutes les idéologies, toutes les politiques et tous les comportements sociaux et individuels doivent être jugés.

 

En fait l’antiracisme, subsumant toutes les luttes morales qui justifiaient auparavant l’existence de toutes les gauches, se pose aujourd’hui comme méta-doctrine pour penser toutes les formes de discrimination, apparentées automatiquement à du racisme systémique — depuis la geste étatique, les échanges internationaux, le sionisme, les pansements blancs, le maintien des frontières bloquant injustement le libre accès de tous migrants du monde à l’occident raciste — jusqu’aux comportements personnels. En effet, tout désir étant l’imitation du désir d’un autre, l’antiracisme, dans un accès charmant de mimétisme de l’islam, va jusqu’à ordonner le convenable et condamner le blâmable, jugeant des pulsions et des goûts de chacun ; il est ainsi malséant et même raciste de déclarer qu’on préfère sortir avec quelqu’un qui nous ressemble plutôt qu’avec une personne d’ethnie différente, insupportable de dire qu’on préfère les minces aux gros et déclarer impensable qu’une victime fétiche du racisme occidental, puisse jamais être coupable d’un crime quelconque. L’antiracisme opère comme un charme, il suffit que l’accusation soit lancée publiquement avec force par l’imprécateur, pour que comme le rappelle l’écrivain Alain Finkielkraut, cela provoque un effet de sidération de l’esprit. On reste paralysé comme frappé par un sort, une malédiction.

 

La religion de l’antiracisme a ses saints. Parmi eux, les sans-papiers, les immigrés de préférence musulmans, même ceux qui violent en masse comme à Cologne, car le rappelle Thierry Pech, le directeur général du think tank Terra Nova, « il faut comprendre ces pauvres gens, ils n’avaient pas accès au sexe, là d’où ils venaient » bref, sont victimes fétiches, victimes exemplaires, tous ceux venus d’un ailleurs religieux, culturel ou géographique, qui s’estiment discriminés, ce qui exclue automatiquement tout blanc occidental de souche même s’il est un gueux crevant de faim ou de froid, car il ne dispose alors d’aucune justification raciste pour expliquer son sort. Cela exclut également tous les Juifs, assassinés par de prétendus hérauts de l’antiracisme, cela exclut aussi les réfugiés chrétiens d’orient fuyant les massacres, ceux-ci ne sont pas les bienvenus au sein de la grande tente antiraciste, car ils sont, blancs, chrétiens et surtout dangereux, parce que dans ces pays, ils furent témoins et victimes de crimes commis par ceux qui par définition ne peuvent être racistes (Le racisme n’est pas chez l’Autre, René Galissot[1], puisque le racisme ne peut surgir que dans la société d’accueil, que ce soit le Québec, la France ou l’occident en général.

 

Antiracisme :  mode argumentatif :

 

Les luttes séculaires contre le racisme ont visé depuis toujours à s’assurer que légalement et concrètement, chacun bénéficie de l’entièreté des droits, depuis la liberté refusée aux esclaves, jusqu’à l’élimination de toute forme de discrimination illégale. L’objectif ayant toujours été d’universaliser les droits et libertés. Or aujourd’hui, ceux qui invoquent l’antiracisme, ne demandent rien de moins que des droits différents pour des groupes spécifiques au nom d’un prétendu droit à la différence et d’un droit à la réparation, qui inclue le droit à l’exclusion des blancs occidentaux, comme par exemple avec les camps décoloniaux, ou l’interdiction de l’appropriation culturelle, car ce serait une forme de spoliation d’un groupe dominé. Tous ceux qui persistent à vouloir l’universalisation des droits sont dès lors accusés par les « antiracistes » d’être des racistes. Cela va très loin, ainsi la porte-parole du PIR (Parti des Indigènes de la République), Houria Bouteldja a sommé les femmes non assimilées à la blanchitude occidentale, si d’aventure elles étaient violées par l’un des leurs, de ne pas déposer de plainte de façon à ne pas conforter le groupe dominant, les racistes blancs. Or ne pas déposer de plainte pour une violence aussi répugnante qu’un viol pour un tel motif, c’est consacrer une conception raciste de la société, c’est conforter l’idée de droits séparés et différents selon les affiliations religieuses ou ethniques, c’est refuser l’idée d’une justice universelle; c’est en fait souscrire à une société d'apartheid.  

 

Lorsque la lutte antiraciste en arrive à de telles aberrations, lorsque la notion de droit récuse toute idée d’y accoler un devoir, lorsque promouvoir des pratiques différentialistes selon que le violeur est de votre race ou pas, devient quelque chose de pensable, que penser sinon que l’antiracisme est en fait devenu un racisme à géométrie variable !

 

 


 



[    1]   1. La synthèse nécessaire : continuité historique et continu social. [Article] « L’Homme et la société : Année 1985 75-76 pp 117-132.

               Numéro thématique : synthèse en sciences humaines.

 

 



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