Qu'est-ce que l'intimidation?

Par: Annie-Ève Collin

Aujourd'hui, j'ai découvert les capsules vidéos Intimidaction sur youtube. J'ai d'abord vu passer celle avec Gabrielle Boulianne-Tremblay sur mon fil d'actualité sur Facebook, que j'ai trouvée pas mal dans l'ensemble, sauf qu'on y a inclus un commentaire qui n'a rien d'intimidant, ni de haineux, ni d'agressif, ni même d'insultant : se demander si un homme attiré par un trans m@f a un désir homosexuel ou hétérosexuel est une question légitime. C'est vraiment dommage : j'étais heureuse de voir une courte vidéo dans laquelle, pour une fois, on dénonce les commentaires VRAIMENT violents ou haineux envers les personnes trans (plutôt que de faire toute une histoire avec ceux qui refusent qu'on fasse semblant que le sexe n'existe pas ou qui disent qu'être menstruée est un souci de femme, par exemple) ; mais il a fallu que les deux protagonistes y incluent un exemple de commentaire qui n'a rien de problématique. C'est comme pour le racisme ou le sexisme : quand on en voit où il n'y en a pas, on mine la crédibilité des dénonciations qui ont vraiment lieu d'être. Il en va de même pour la haine ou le rejet des personnes trans. Et pour l'intimidation.


La vidéo avec Gabrielle Boulianne-Tremblay et Alexandre Bizaillon ayant piqué ma curiosité, j'ai regardé d'autres capsules. Le principe semble être le suivant : une ou des personnalités publiques lisent des messages soi-disant d'intimidation qu'ils ont reçu, et un humoriste doit y répondre du tac au tac. Ça pourrait être une excellente initiative, si on se limitait justement à dénoncer ce qui est VRAIMENT de l'intimidation. Ce mot devient utilisé à toutes les sauces, pour la moindre contrariété ; il ne faudrait pas oublier que l'intimidation est un acte grave, que ceux qui en sont victimes peuvent être marqués pour la vie, devenir dépressifs, suicidaires, ou encore poser des gestes violents. Comme disait Camus, mal nommer les objets c'est ajouter au malheur de ce monde : gardons le mot "intimidation" pour ce qui en constitue vraiment, cessons de tout mélanger.

Dans les capsules Intimidaction, on mélange allègrement des commentaires violents avec des commentaires qui sont simplement niaiseux. Bien sûr que la ligne entre, d'une part, la moquerie, les injures, les commentaires contrariants, et d'autre part l'intimidation, peut être difficile à tracer. Je n'ai pas la prétention de pouvoir apporter des critères objectifs et parfaits pour départager ce qui constitue de l'intimidation et ce qui n'en constitue pas. Mais remarquer qu'une personnalité publique a pris du poids, ou dire qu'un blogueur a mauvaise haleine ou qu'il est laid (à moins que ce soit fait à répétition et en cherchant constamment à s'adresser au blogueur concerné), n'est pas de l'intimidation. Se moquer de quelqu'un ou d'un groupe ne l'est pas automatiquement non plus. Puis-je m'avancer à dire que pour considérer qu'il y a intimidation, il faut que le comportement soit répété ou encore menaçant ? En tout cas, il vaudrait la peine de revoir collectivement le concept d'intimidation, d'en circonscrire la définition, afin d'arriver à faire des distinctions qui s'imposent.

Je conclus en signalant que je trouve franchement ironique que ce soient des humoristes qui dénoncent l'intimidation là où il n'y en a pas, car les humoristes gagnent justement leur vie en se moquant, en ridiculisant, que ce soient des personnes en particulier, des catégories de personnes, ou encore des situations. S'il y a une profession où on devrait faire la différence entre déconner et se moquer, et intimider, c'est bien celle-là!



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