De nos jours, des militants qui se réclament de la gauche vont très loin dans leur interprétation de la phrase célèbre de Simone de Beauvoir : "On ne naît pas femme, on le devient."
Beauvoir ne nie nulle part la réalité des sexes dans son fameux ouvrage en deux tomes qui prend justement pour titre Le deuxième sexe. Il y est écrit à de multiples reprises que la femme est la femelle de l'espèce humaine : les interprétations sociales, culturelles autour du sexe féminin, les lois et coutumes qui désavantagent les femmes, qui les réduisent à des personnalités stéréotypées et à des rôles de subalternes, quand ce n'est pas carrément de servantes, ont bien sûr un impact sur les femmes.
Seulement, celles qui sont victimes de ces interprétations discriminatoires sont au départ des femelles humaines.
Si les interprétations culturelles, sociales, éthiques, politiques, religieuses des différences entre les sexes venaient à changer complètement (et elles ont considérablement changé en Occident ces derniers siècles), les sexes, eux, continueraient d'exister.
Ces interprétations culturelles, sociales, éthiques, politiques et religieuses des différences entre les sexes, représentent ce qu'on appelle les genres (genre féminin et genre masculin). De nos jours, des militants de gauche avancent que le sexe a peu d'importance, voire qu'il n'en a pas du tout, que ce qui compte, c'est le genre.
Bon nombre d'entre eux disent que les femmes sont opprimées sur la base de leur genre et non de leur sexe (généralement dans l'objectif de faire passer que les "femmes trans", c'est-à-dire les hommes qui s'identifient au genre féminin, avec ou sans modification de leur corps pour que celui-ci ressemble davantage à un corps de femme, sont des femmes comme les autres, et que les mouvements féministes doivent les traiter comme telles, sans faire de différence avec celles qu'ils appellent les "femmes cis*"). Selon ces militants et "théoriciens", l'homme et la femme seraient de pures constructions sociales.
Comme le fait valoir la philosophe Rhéa Jean, il est absurde de vouloir supprimer les sexes de nos discours pour ne garder que les genres : les genres sont un discours SUR les sexes. Comment voulez-vous garder le discours en supprimant l'objet du discours? On peut modifier le discours sur les sexes, mais pour que ce discours existe, il aura toujours besoin de son objet : les sexes.
Dans la même (non)logique, on présente les races comme étant des constructions sociales, en oubliant que le racisme vise quand même des personnes sur la base de différences réelles - auxquelles on ajoute des interprétations sociales qui sont fallacieuses, comme on le fait avec les différences entre les femmes et les hommes.
Certes, le racisme implique des préjugés infondés. Par exemple, la prétention que les Noirs sont paresseux ou malhonnêtes est certes infondée. Seulement, c'est un discours qu'on applique à ceux qui ont, dans la réalité, la peau d'une certaine couleur. Il est à espérer que dans un futur que l'on souhaite proche, plus personne ne prétendra que les Noirs sont paresseux ou malhonnêtes. Mais quand ce préjugé aura disparu, les Noirs existeront encore.
Pensez-vous vraiment que la couleur de peau de ceux qui subissent du racisme anti-Noirs ne change rien? Je parierais plutôt que ça change tout!
Seulement, les militants de cette gauche qui nage dans l'absurde en sont même à prétendre qu'être blanc n'est pas une question de couleur de peau. Le Blanc, comme l'homme et la femme, serait une pure construction sociale et des personnes en apparence noires, maghrébines ou autres seraient "blanches par blanchité"!
Alors autant il m'arrive de faire remarquer qu'avant les victoires des Suffragettes, on ne vérifiait pas l'identité des femelles humaines au genre féminin pour les priver du droit de vote, autant je vous dirais que je doute bien fort que quelqu'un de raciste envers les Noirs s'assure de ne pas avoir affaire à un "Blanc par blanchité" avant d'adopter une attitude hostile ou discriminatoire envers quelqu'un qui est noir en apparence.
C'est ridicule de tout ramener aux constructions sociales alors que, tout erronées soient-elles, celles-ci sont des interprétations de quelque chose qui les précède. Bref, je réitère que Rhéa Jean a tout a fait raison : vouloir garder le discours en supprimant l'objet du discours est un non sens!
*L'expression "femmes cis" est utilisée par les militants et "théoriciens" dont je parle dans ce billet pour désigner tout simplement les vraies femmes (les humains de sexe femelle) qui ne prétendent pas être autre chose que des femmes ; c'est-à-dire qu'il faut exclure de la catégorie des "femmes cis" les femmes qui s'identifient au genre masculin (que les militants et "théoriciens" dont je parle appellent des "hommes trans"), ainsi que celles qui disent qu'elles sont des personnes non binaires.