Les femmes sont toujours coupables

Par: Annie-Ève Collin

Le 12 décembre 2017, le Devoir publiait un billet que j’ai co-écrit avec Michèle Sirois au sujet de ce qui pose problème, d’un point de vue féministe, dans le fait d’admettre que l’on est femme par son genre plutôt que par son sexe. En effet, admettre qu’un mâle humain est une femme parce qu’il pense, agit ou paraît « comme une femme », c’est ramener ce contre quoi les féministes ont lutté par le passé : définir la femme en fonction de normes de genre, voire de stéréotypes. D’aucuns nous reprochent de réduire la femme à son sexe, à ses organes génitaux. Cela représente une mauvaise compréhension de ma position, de celle de Sirois et de celle de toutes les féministes critiques du genre. Mais surtout, les réactions agressives à notre endroit, comme à l’endroit de toutes les femmes qui osent parler des enjeux féministes liés au transgenrisme, révèlent qu’une fois encore, on attend des femmes qu’elles comprennent que leurs intérêts et revendications sont moins importantes que celles des autres : les religions passent avant les femmes ; le multiculturalisme passe avant les femmes ; les revendications des personnes trans et autoproclamées non binaires, aussi, passent avant les femmes. Celles qui refusent d’admettre cela ne sont certainement pas des femmes fières, ni des féministes engagées, ce sont des mégères, des femmes violentes, des TERFs[1]

 

Voici une mise au point : je dis qu’une femme est une femelle de l’espèce humaine ; je ne dis pas que la personne humaine qui est, entre autres choses, une femme, se réduit à son sexe. On me reproche souvent de réduire l’identité des femmes à leurs parties génitales, or il est à noter que j'utilise peu le mot «identité». Ce mot est devenu piégé, en raison d’un usage rhétorique qui en est fait: on ramène ceci et cela à son «identité», pour obliger les autres à le reconnaître et leur interdire de le critiquer, parce qu’attaquer l’identité de quelqu’un, c’est attaquer sa personne. Ceux qui me reprochent ce qu’ils disent être mes positions sur l’identité des femmes projettent sur moi leur propre rhétorique.

 

Notre billet paru dans le Devoir ne comprend aucun appel à la violence, il ne nie pas non plus les droits des personnes trans. Il met plutôt de l’avant les intérêts des femmes et leurs luttes passées. Il nous aura pourtant valu de nous faire comparer à Hitler, de nous faire accuser d’eugénisme, de nous faire accuser de mettre en jeu des vies humaines, rien de moins. Certains internautes se sont opposés à notre liberté d’expression en écrivant que nos propos devraient être interdits, qu’ils ne devraient pas être publiés. Une internaute a même demandé sur Facebook comment ça se fait que j’ai le droit d’exister.[1]

 

Il est à noter que beaucoup de nos détracteurs et détractrices s’identifient au féminisme intersectionnel. J’ai critiqué celui-ci à plusieurs reprises, et ceci est l’une des raisons : en prétendant tenir compte de toutes les oppressions, ce soi-disant féminisme s’occupe de tout sauf des femmes, et va même jusqu’à blâmer les femmes qui revendiquent que leurs intérêts soient pris en compte, sous prétexte que le féminisme ne doit pas être instrumentalisé pour justifier la transphobie, ou encore l’islamophobie, ou je ne sais quoi encore. Finalement, des femmes qui veulent l’émancipation des femmes, ce sont des femmes qui oppriment, des privilégiées qui veulent conserver leurs privilèges. C’est tout sauf féministe.



[1] Voir mon billet Vocabulaire de base lié au sigle LGBTQ si les expressions «non binaire» et TERF ne vous sont pas familières



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