Pourquoi être athée?

Par: Annie-Ève Collin

"On peut arriver à l'athéisme par plusieurs chemins. Pour moi, cela a été la conséquence naturelle du fait de vivre dans une théocratie. Si Dieu me déteste à ce point, pourquoi croirais-je en lui ?" déclare Maryam Namazie, militante de gauche d'origine iranienne, dans un texte dont je vous recommande la lecture, mais dans lequel j'ai tiqué sur la phrase précédemment citée. Et combien d'autres arguments semblables ai-je lus ou entendus : "Je suis devenue athée parce que je ne supportais pas le caractère autoritaire des soeurs à l'école." ; "Je suis devenu athée parce que je suis pour les droits des femmes et les droits des homosexuels.", et bien d'autres.


Devenir athée parce que ce que stipule la religion ne nous plaît pas, c'est intellectuellement aussi peu rigoureux que refuser la théorie de l'évolution en invoquant qu'on se respecte trop pour admettre la parenté avec les singes. 

Revenons à ce que signifie "croire" : il s'agit de tenir quelque chose pour vrai. Quand on se demande si un être, une entité, existe, la question est complètement différente de savoir si cet être nous déteste. Des militants de gauche me détestent. Il serait absurde que je nie leur existence à cause de ça.

Certains me diraient : "Mais les militants de gauche, on peut constater empiriquement leur existence, alors que c'est impossible pour Dieu." Je ne suis pas d'accord, et j'y reviendrai dans ma conclusion, mais même si j'admettais cela, il n'en demeurerait pas moins qu'il n'y a pas le moindre lien logique entre la prémisse "X me déteste" et la conclusion "X n'existe pas".

La même chose d'ailleurs pour les prémisses : "Ceux qui croient à X ont une attitude désagréable" et "Ceux qui croient à X sont sexistes et homophobes". Rien de cela n'empêche X d'exister.

Certains diront que c'est contradictoire pour une femme ou pour un homosexuel d'adhérer à une religion. Non, justement, ce ne l'est pas, parce que croire à une religion, ce n'est pas l'examiner relativement à soi-même et arriver à la conclusion qu'elle nous avantage personnellement ou qu'elle nous plaît, c'est être convaincu que ce qu'elle stipule est la vérité.

Croire à une religion, ce n'est pas comme aimer un genre de musique : on aime un genre de musique relativement à soi-même, parce que ce genre de musique nous fait du bien. Croire, encore une fois, c'est tenir quelque chose pour vrai. On a bien souvent conscience - et on devrait s'efforcer autant que possible d'en avoir toujours conscience - que la vérité ne dépend pas de soi. L'expression "triste mais vrai" l'exprime simplement et fort bien. 

Quand quelqu'un adhère à une religion, qu'il y adhère vraiment, il ne la ramène pas à lui-même : il est convaincu de la véracité de ce que stipule cette religion, et ne s'imagine aucunement que ses sentiments y sont pour quoi que ce soit. C'est pour cela qu'on dit qu'on AIME le rap, mais qu'on dit qu'on CROIT au christianisme, qu'on CROIT en Dieu.

Revenons à ma comparaison entre le rejet d'une religion et le rejet de la théorie de l'évolution, car je devine une autre objection qu'on voudrait me faire : la théorie de l'évolution a été amplement prouvée, par un nombre incalculable de preuves, recueillies par un nombre incalculable de chercheurs, de disciplines différentes. Après des décennies et des décennies de travaux scientifiques, tout continue de concorder et aucune preuve permettant de réfuter l'évolution n'a pu être trouvée, en dépit du travail constant des scientifiques. C'est pour cela qu'il n'est pas rigoureux de la rejeter simplement parce qu'elle ne nous plaît pas. Inversement, il n'y a pas de preuve solide que le christianisme ou l'islam disent la vérité. 

En effet. Et si c'était justement ça, la bonne raison de ne pas y adhérer ? J'ajoute que non seulement il n'y a pas de preuve que ce qui est écrit dans la bible ou le coran soit vrai, il y a également des preuves que ce n'est pas crédible, aussi bien parce qu'il y a des contradictions inhérentes aux textes eux-mêmes que parce que certains passages sont scientifiquement impossibles ou ont été réfutés. Voilà le cheminement rigoureux pour rejeter ces religions. 

Rejeter ces religions parce qu'elles ne nous avantagent pas ou ne nous plaisent pas, c'est tout autant un manque de rigueur que ce le serait pour des ensembles de propositions qui ont été prouvées. C'est tout autant un manque de rigueur, également, que d'y adhérer parce qu'elles nous plaisent ou nous avantagent.

Il en va de même pour l'hypothèse de l'existence de Dieu : d'abord, il faudrait spécifier de quel dieu on parle (celui de l'islam, celui du christianisme*, un autre?) Ensuite, il est possible d'envisager quels indices on aurait de son existence, s'il existait. Il devient alors possible d'examiner rationnellement, et même empiriquement, l'hypothèse de l'existence de Dieu. La détestation, le sexisme et l'homophobie ne sont pas des indices de l'existence, encore moins de l'inexistence d'un être. L'existence d'un être ne dépend aucunement de si on souhaite qu'il existe ou non.



*Je devine que certains lecteurs voudront objecter que les chrétiens et les musulmans croient au même dieu ; compte tenu que le dieu du coran et le dieu de la bible sont des personnages imaginaires - avec toutes les preuves scientifiques qui montrent le manque de crédibilité de chacune de ces religions, le fardeau de la preuve revient désormais à ceux qui prétendent le contraire, car ceux qui les présentent comme imaginaires ont amplement étayé leur thèse - il faut noter qu'il s'agit de deux personnages aux caractéristiques différentes. Ce sont donc deux personnages distincts.



SUIVEZ-NOUS SUR FACEBOOK