Je suis Nadia El-Mabrouk

Par: Annie-Ève Collin

John Stuart-Mill écrivait : 

Si une opinion n’était qu’une possession personnelle, sans valeur pour d’autres que son possesseur ; si d’être gêné dans la jouissance de cette possession n’était qu’un dommage privé, il y aurait une différence à ce que ce dommage fût infligé à peu ou à beaucoup de personnes. Mais ce qu’il y a de particulièrement néfaste à imposer silence à l’expression d’une opinion, c’est que cela revient à voler l’humanité : tant la postérité que la génération présente, les détracteurs de cette opinion davantage encore que ses détenteurs. Si l’opinion est juste, on les prive de l’occasion d’échanger l’erreur pour la vérité ; si elle est fausse, ils perdent un bénéfice presque aussi considérable : une perception plus claire et une impression plus vive de la vérité que produit sa confrontation avec l’erreur. » (STUART MILL, John, De la liberté, Gallimard, 1990, p. 85)


Nadia El-Mabrouk a "péché" : apparemment, on lui reproche d'avoir écrit d'une "fille" trans qu'elle est en réalité un garçon, d'avoir pris position contre l'idéologie queer dans un billet paru dans la Presse. Selon une certaine soi-disant théorie, que pour ma part j'appelle plutôt une idéologie, on est fille, garçon, femme ou homme en fonction d'une réalité obscure et purement subjective qui prend le nom d'identité de genre. Quand un médecin déclare lors d'une échographie ou d'un accouchement que le bébé est une fille, ou qu'il est un garçon, il assigne un genre à l'enfant, et les parents, en l'élevant en le désignant comme une fille ou un garçon, continuent à lui assigner ce genre.


Nadia El-Mabrouk est de ceux, dont je ne serais pas surprise qu'ils soient encore majoritaires, selon qui on est une fille ou un garçon, une femme ou un homme, en fonction de son sexe, une réalité objective constatée aussi bien par le médecin que par les parents. Le sexe serait-il une construction sociale, comme le prétendent certains? Madame El-Mabrouk n'en est manifestement pas convaincue, et elle n'est pas la seule. Il existe amplement de littérature scientifique sur le caractère sexué de l'espèce humaine, partagé avec tous les autres primates, et même avec tous les mammifères et avec de nombreuses autres espèces animales. Si Madame El-Mabrouk est dans l'erreur et que les partisans de la notion d'identité de genre sont capables de le montrer au moyen d'arguments, alors c'est ce qu'ils devraient faire.


Or, ce n'est pas ce qui a été fait à l'Alliance des professeurs, et ce n'est pas non plus ce que fait Élyse Bourbeau, l'individu qui a initié la polémique sur la présence de Madame El-Mabrouk en raison de ses positions sur l'idéologie queer et le transgenrisme (il y avait eu controverse auparavant en raison de ses positions, mais c'est l'intervention de Bourbeau à l'effet qu'El-Mabrouk serait supposément transphobe qui a motivé le vote pour son exclusion), ni non plus ceux qui ont emboîté le pas à Bourbeau ou qui l'appuient. Ils se contentent de la traiter de transphobe, de la comparer aux racistes convaincus que les Noirs sont inférieurs aux Blancs (ce qui est franchement insultant pour les Noirs, compte tenu de ce que leurs ancêtres ont vécu comme oppression et ce que certains vivent encore), de répéter que ses propos sont inadmissible (on sent presque les larmes dans leurs commentaires sur Facebook).


Si les partisans du concept d'identité de genre étaient capables de prouver qu'El-Mabrouk a tort, il y a fort à  parier qu'ils le feraient. La vérité est probablement qu'ils en sont incapables, et c'est pourquoi il ne leur reste que deux armes : la violence verbale accompagnée de comparaisons douteuses, et bien entendu, la censure.




Pour conclure, je tiens à ajouter deux choses : premièrement, même si Nadia El-Mabrouk avait un problème avec les personnes trans (ce qui n'est pas le cas, elle s'en prend à une idéologie, l'idéologie queer, et non à des personnes), cela n'a rien à voir avec le sujet de la conférence qu'elle était censée donner : la laïcité. Deuxièmement, on a pu lire dans un statut Facebook d'Élyse Bourbeau, que vous pouvez lire ci-dessus, les propos suivants : "[Nadia El-Mabrouk] a pris plusieurs fois position dans les médias contre des femmes, en particulier les femmes trans et les femmes voilées." C'est une formulation rhétorique malhonnête et infamante : El-Mabrouk ne prend pas position contre des femmes, mais contre une pratique (le voile islamique) et contre une théorie/idéologie : celle qui veut qu'on soit femme ou homme ou ni l'un ni l'autre en fonction de son identité subjective. Quand une excellente conférencière risque l'exclusion pour avoir affirmé qu'on est femme ou homme par son sexe, ne peut-on pas considérer que la liberté d'expression est gravement menacée?



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