Sexisme ordinaire

Par: Annie-Ève Collin

Sur les questions liées à la parité, j'ai une position nuancées. Certaines, notamment en sciences sociales, affirment avec coviction que les différences entre les hommes et les femmes ne reposent que sur des construction sociales. Cette conception fonde un certain féminisme (qui n'est pas le mien, même si je suis résolument féministe).


Je suis plutôt de l'école selon laquelle il existe des différences biologiquement explicables qu'on ne surmontera jamais - incidemment, je ne vois pas non plus pourquoi il serait souhaitable de les surmonter.

Bref, je suis convaincue que même dans une société où la liberté individuelle en matière d'emploi serait à son paroxysme, certains métiers demeureraient majoritairement féminins et d'autres, majoritairement masculins. À mon sens, un combat féministe important est précisément de valoriser socialement les métiers féminins.

Quoi qu'il en soit, une femme qui choisit un métier d'homme et qui est compétente devrait pouvoir faire ce choix sans risquer de conséquences négatives. Et cet idéal-là ne semble pas encore atteint. Pour illustrer, je vais vous raconter l'histoire de Mélanie, détentrice d'un diplôme d'études professionnelles en électromécanique de système automatisé.

L'entourage de Mélanie avait essayé de la décourager de choisir ce domaine, dans lequel ils étaient convaincus que le fait d'être une femme lui nuirait. Elle a choisi d'aller de l'avant, et a malheureusement découvert par expérience que ceux qui la mettaient en garde avaient raison.

Au cours de ses études, Mélanie rapporte que ça se passait plutôt bien. Elle a terminé son DEP avec la mention Excellence et deux de ses professeurs lui ont donné leur numéro pour qu'elle puisse les citer comme références.

Au bout de 18 mois, lors de son stage, les mécaniciens la félicitaient pour sa compétence. Par contre, le patron voyait d'un mauvais oeil d'avoir une fille dans l'équipe. Il avait donné pour directive aux autres de ne pas laisser "la fille" toucher à la machine CFT (une machine qui sert à sceller les canettes). Il parlait d'elle comme si elle avait été absente alors qu'elle était juste à côté de lui.

À la fin de son stage, elle n'a pas obtenu de poste, en dépit que tous les autres mécaniciens reconnaissaient sa compétence. Ils lui ont dit ce que son entourage lui avait dit avant le début de son DEP : le fait d'être une fille jouerait contre elle dans le métier qu'elle avait choisi.

Ont suivi deux mois de recherche d'emploi, plus de 100 curriculum vitae envoyés. Alors qu'il s'agit d'un métier dans lequel la demande est très forte - Mélanie rapporte que tous ses collègues de classe se sont placés dans le temps de le dire - elle n'a obtenu que cinq entrevues. Elle se faisait dire qu'elle n'avait pas le profil de l'emploi et se faisait demander si elle n'avait pas peur de se salir les mains (bah oui, vous savez, les gens qui ont peur de se salir les mains choisissent souvent d'aller en mécanique...)

Deux mois après son stage, Mélanie a fini par trouver un emploi. Un accident de travail, dû à du matériel non réglementaire, l'a envoyée dans une clinique, et a fait en sorte qu'elle a dû être affectée à des travaux légers. Qu'un employé se blesse dans ce genre de métier, ça arrive, et pas seulement aux filles. Mais la réaction quand c'est une fille qui se blesse semble bien différente de quand c'est un gars : bien entendu, si Mélanie s'était blessée, c'est parce que c'est une fille et qu'elle n'a rien à faire dans ce métier. Même si l'agent de la CSST avait confirmé que le matériel n'était pas sécuritaire et que c'était ce qui avait causé l'accident.

Je ne rapporte même pas tout ce qu'elle m'a raconté. C'est du sexisme ordinaire et ça existe encore. C'est juste un cas, me direz-vous? Il me semble que le fait qu'elle ait autant de mal à se placer (elle est à nouveau sans emploi depuis juillet dernier), alors que c'est un métier dans lequel la demande est forte, est assez éloquent.



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