La liberté de religion comme cheval de Troie

Par: Ophélien Champlain

La liberté de religion repose sur une base complètement arbitraire. Non seulement attribue-t-on en l'invoquant des privilèges qui dépassent ceux qu'octroie la liberté d'opinion, mais elle discrimine contre l'irréligion. Elle permet d'afficher une allégeance religieuse dans des contextes où il n'est pas autorisé d'afficher son incroyance. J’ai déjà fait remarquer que le port d’un t-shirt à inscription "dieu n’existe pas" ou une casquette "infidel" ne seraient pas autorisés sur bien des lieux de travail, alors que des signes religieux d’ostentation équivalentes tels que le voile musulman et le turban sikh sont permis.

 

On m’a dit que je mélangeais tout; que le port du voile était l’expression d’un rapport avec dieu, tandis que la casquette "infidel" que je lui opposais était portée dans le seul but de provoquer, et qu’elle était offensante pour tous les Musulmans. J’avoue que je me suis effectivement procuré la casquette "infidel" afin de provoquer… la réflexion! Si on dit que cette casquette offusque tous les Musulmans, il faut admettre que le voile puisse aussi offusquer des non Musulmans – et même des femmes musulmanes qui luttent pour le retirer.

 

Poussons la comparaison plus loin: la chaîne de magasins Target, qui a fermé toutes ses succursales canadiennes en 2015, imposait à tous ses employés de se vêtir de rouge. Il pouvait aussi y avoir du blanc, mais le rouge devait prédominer. C'est ce qui permettait à la clientèle de les distinguer facilement. Les employées musulmanes souscrivant au fondamentalisme pouvaient ainsi porter un hijab rouge. Par contre, un hijab mauve n'aurait pas été autorisé - pas plus d'ailleurs qu'un chandail mauve. Jusque là, c'est équitable.

 

Imaginez un employé qui se sentirait obligé de porter du mauve dans l'espace public à tout moment en raison de ses croyances spirituelles personnelles. Pour demeurer en communion avec son dieu individuel, il faudrait absolument porter du violet - tout le temps. La compagnie ne l'y aurait pas autorisé pendant ses heures de services, la consigne voulant que l'apparence du staff évoque le logo rouge et blanc du magasin.

 

Les rites associés à une croyance spirituelle individuelle n'auraient donc pas les mêmes droits que ceux d'une religion. Certains diront que c'est normal... mais comment le justifier? Pourquoi une croyance non démontrable scientifiquement serait-elle plus valable, plus pertinente, qu'une autre croyance non démontrable scientifiquement? En quoi est-ce que la crédulité [voire la superstition] d'un vaste groupe d'individus serait plus légitime que la crédulité [ou superstition] d'une seule personne?

 

Ça vous indigne qu'on puisse associer l'islam à de la crédulité [ou à de la superstition]? Que penseriez-vous de quelqu'un qui croirait aux dieux de la mythologie grecque en 2020? Ça ne vous paraîtra pas crédule, ou même un brin superstitieux? Il faudrait être en mesure de démontrer que, si dieu existe, ce soit forcément Allah et pas Zeus.

 

Pour revenir à l'exemple: du point de vue objectif d'observateurs extra-terrestres venus étudier l'humanité, il ne serait pas plus saugrenu d'insister pour se voiler la tête en tout temps dans l'espace public que d'insister pour y porter du mauve. Surtout si, dans les deux cas, on ne peut pas prouver la volonté de le prescrire aussi strictement venant de la divinité concernée.

 

La liberté de religion est peut-être sacro-sainte et imbriquée dans toutes les chartes, mais cela ne veut pas dire qu'elle est équitable et qu'on ne peut pas la remettre en question. La ligne qui sépare le religieux du politique est bien mince. La religion est d'ailleurs une fusion du spirituel et du politique. Dès qu'il est question de l'observation de rites, on arrive en territoire politique. Vous en doutez? L'obligation d'observer un rite relève de la politique personnelle de l'individu. Ne parle-t-on pas de la "politique d'un établissement" quand il est question d'application des règles qui s'y appliquent?

 

Quand la liberté de religion garantit davantage de liberté d'expression au fait religieux qu'à des idéaux non religieux (notamment, en facilitant son étalage), elle devient dangereusement inéquitable. Vous pensez que le mot "dangereusement" soit exagéré? Pas quand on considère que le caractère autoritariste d'un phénomène politico-religieux conquérant (tel que le fondamentalisme musulman). S'il a une dimension religieuse, un totalitarisme peut se servir de la liberté de religion comme cheval de Troie pour s'imposer à une société - et ça c'est dangereux.




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