Simon Jolin-Barette: Un ministre de la Justice à digne hauteur

Par: François Côté

SIMON JOLIN-BARRETTE: UN MINISTRE DE LA JUSTICE À DIGNE HAUTEUR


- Saluer la primauté du droit et de la Justice à l'ère de la laïcité et des dénonciations -


Le 20 juin dernier, à l’occasion du dernier remaniement ministériel, Simon Jolin-Barrette devenait, à 33 ans, le plus jeune ministre de la Justice de l’histoire Québec – mais on aurait tort de voir une témérité de la part du premier ministre Legault à lui confier ainsi les rennes d’un des ministères les plus importants de l’État. Cette nomination était amplement méritée vu l’impressionnante feuille de route de cet avocat de formation et député de Borduas depuis 2014, dont au premier chef son titanesque travail en 2019 au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration ayant mené à l’adoption historique de la Loi sur la laïcité de l’État.


Ce projet de loi 21, qui deviendra loi grâce à lui, Simon Jolin-Barrette a réussi à le porter à bout de bras au défi d’un véritable ouragan d’hostilité carburant au multiculturalisme libéral canadien et à la pensée unique de la Charte canadienne, démocratiquement fort minoritaire au Québec mais puissamment soutenu par l’hégémonie d’un establishment canadien bien plus soucieux de neutraliser les aspirations de la population québécoise que de leur donner vie. Ce tour de force, il l’aura réussi sans abandonner, sans renoncer, sans faiblir devant les canons, fort de sa mission de défendre cette aspiration à la laïcité si profonde et si criante d’une nation québécoise civiliste qui n’en pouvait plus d’étouffer dans la culture des accommodements raisonnables de common law qu’on lui impose de force et dans laquelle elle ne se reconnaît pas (raison de plus, remarquons-le au passage, pour mobiliser les dispositions dérogatoires et affirmer ici cette différence de façon de penser et de vivre le droit en société, pour éviter que la seconde n’écrase la première au nom d’une conception confisquée de ce que doit être le droit et comment il doit fonctionner) – et d’en faire loi. S’il y a quelque chose, cela ne peut que forcer l’admiration, et ce n’est point exagérer que de suggérer que nos historiens de demain placeront cette magistrale réalisation législative aux côtés de celles de Camille Laurin (Charte de la langue française), de Jérôme Choquette (Charte québécoise) ou encore de Gil Rémillard (Code civil du Québec).


Personne n’est sans faille, bien sûr, et Simon Jolin-Barrette n’est pas sans quelques accrochages à sa feuille de route – mais à moins de verser dans l’angélisme déconnecté, on ne peut que saluer un de ces grands juristes et maîtres d’œuvre de l’évolution législative au Québec pour cette réalisation capitale et bien d’autres. Il n’en était dès lors que naturel de le voir accéder aux commandes de la Justice et de la chose juridique au Québec, avec ample mérite et compétence. L’ambition, la vigueur, mais aussi l’expérience, la stratégie et l’esprit de droit répondent amplement présent chez le nouveau Ministre de la Justice, qui ne peut que forcer l’admiration, ne serait-ce, à tout le moins, pour l’humble juriste et simple citoyen écrivant ces lignes.


Et il y a quelques jours, Simon Jolin-Barrette nous démontrait doublement être à la hauteur de sa nouvelle charge dans le contexte de la nouvelle vague de dénonciations extra-judiciaires qui s’est mise à circuler sur les réseaux sociaux depuis l’affaire Nolin. Saluant le courage des victimes brisant le silence et réclamant justice à grande soif, le nouveau ministre de la Justice rappelle en même temps l’importance de la procédure criminelle et de la présomption d’innocence comme remparts séparant l’État de droit de la justice de foule, de la vendetta, et plus encore de l’erreur ou de la méprise. La Justice ne peut, ne doit, jamais céder à la tentation de la vengeance ou de la colère, mais en même temps, cette défense de l’État de droit et des garanties qui protègent nos citoyens contre l’odieux suprême que constitue la condamnation criminelle d’un innocent, Simon Jolin-Barrette le martèle, il est inacceptable qu’elle se fasse au détriment du juste soutien que nous devons à titre de société aux victimes une fois leur statut établi – brisées, seules, vulnérables, qui ont besoin de reconnaissance, de soutien et d’assistance véritable dans un processus judiciaire parfois incroyablement difficile.


Certes, malgré les critiques hautement médiatisées, notre justice criminelle fonctionne. Si l’on fait exception des cas où l’absence d’identification de l’agresseur coupe court à toute possibilité de faire justice contre le vent ainsi que les cas où une agression alléguée ne constitue pas, après examen, un comportement effectivement criminel démontrable (la grande majorité des plaintes non-retenues ne débouchant pas sur des accusations), le Directeur des poursuites criminelles et pénales révélait mercredi que, statistiquement, plus de 50% des accusations déposées en justice en matière d’agression sexuelle débouchent effectivement sur une condamnation criminelle – la rumeur voulant que notre DPCP (et/ou les tribunaux) soit impuissant, insensible ou lié dans des technicités arcanes qui permettent aux abominables de s’en tirer impunément ne s’avérerait pas si fondée qu’on semble le prétendre. Si l’agresseur a été identifié et que l’acte commis est effectivement un crime, le système fonctionne : les chiffres parlent… mais il pourrait fonctionner mieux. Beaucoup, beaucoup mieux. Particulièrement dans le processus, dans le fonctionnement concret précédant les résultats.


Trop souvent, les victimes ne sont pas suffisamment soutenues, conseillées ou accompagnées. Trop souvent, elles rapportent n’être traités comme de simples témoins, comme des éléments élément de preuve accessoires, livrés au processus judiciaire (où il est le rôle légitime et essentiel de la défense de s’y opposer par tous les moyens de droit possibles) dans une expérience qui est plus souvent qu’autrement déstabilisante (voire incroyablement anxiogène) alors qu’elles devraient en être une pièce centrale, maîtresse. Trop souvent, immense détail, le système ignore toute la myriade de conséquences extra-judiciaires qui débordent de la salle d’audience mais qui entraîneront pourtant des impacts bien réels dans leurs vies (emploi, famille, réseaux personnels, réputation, vie privée, etc.). Trop souvent, le système laisse sans soutien et sans préparation les victimes devant l’immense – mais absolument nécessaire – épreuve que représente le témoignage et le contre-interrogatoire. Ce qui n’est qu’un mardi matin comme les autres pour un procureur ou un avocat de la défense est dans bien des cas parmi les moments les plus éprouvant d’une vie pour une victime témoin qui livre son histoire et qui doit la voir justifiée face aux nécessaires remises en question.


Toutes ces démarches sont absolument nécessaires; il est intolérable, aux antipodes de la justice, que de condamner un innocent, et tout doit être mis en œuvre pour éviter un tel naufrage. Mais le « comment » de ce processus doit être revu, amélioré. C’est criant. Sans aller jusqu’à l’aberration de suggérer qu’on doive renverser la présomption d’innocence, accepter les condamnations sans preuves ou interdire les contre-interrogatoires, en 2020, il est devenu évident qu’on ne peut plus traiter le processus criminel comme un « mal nécessaire » sans tenir compte de la victime en tant que personne humaine profondément impliquée et touchée par tel processus. Une réforme *doit* avoir lieu.


Et ici, on ne peut que saluer Simon Jolin-Barrette de commencer à apporter des pierres à l’édifice sans tarder. À moins d’un mois depuis son entrée en fonction, le nouveau ministre de la Justice déclarait une une première mesure de financement à hauteur impressionnante d’un million et demi de dollars pour mieux encadrer et accompagner les victimes dans ce processus aussi important pour elles que pour notre société au complet. On ne peut que saluer le geste et voir les premières preuves du mérite de la nomination de Simon Jolin-Barrette aux commandes de la Justice – d’abord et avant tout au nom de nos victimes et de nos personnes vulnérables qui ont plus que quiconque besoin de ce soutien.


Et pour cela, et avec espoir conforté pour la suite, on ne peut que saluer Simon Jolin-Barrette, Ministre de la Justice du Québec, et se réjouir de le voir se montrer, déjà, manifestement à la hauteur de ses fonctions.




- François Côté, Avocat




Crédit photo pour l'image en médaillon: Radio-Canada



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