En quoi consiste le "Great Reset" de Klaus Schwab & Thierry Malleret? [2ème partie]

Par: Ophélien Champlain

Dans la première partie il a été question de ce qu'implique la volonté de passer du capitalisme actionnaire vers un capitalisme des parties prenantes. Voyons ici les autres aspects de ce "Great Reset". 

Klaus Schwab et Thierry Malleret invoquent que des enjeux tels que l'environnement et la santé publique nécessitent une concordance globale. Ils plaident en faveur d'une gouvernance mondiale, qu'ils craignent cependant menacée par la montée des nationalismes. Reconnaissant toutefois qu'en 2020 la mondialisation n'a plus la cote, ils l'édulcorent pour mieux en vendre l'idée. Ils présentent un mondialisme réinitialisé, "inclusif et équitable", de surcroît vert à l'extérieur, qu'ils distinguent de l'ancienne "hyper-mondialisation", "qui a perdu tout son capital politique et social". On peut y lire une tentative pour amadouer une gauche autrefois alter-mondialiste, mais que les globalistes sont parvenus à rallier en brandissant les épouvantails que sont le Brexit, Trump, et le populisme de droite [tous 3 perçus négativement dans l'ouvrage]. C'est d'ailleurs la tactique à laquelle aura recours l'administration Biden pour calmer la gauche de son parti tout en reprenant la voie d'un néo-libéralisme économique débridé: se draper de vertu écologiste et leur distribuer des bonbons "woke". 

Pour relancer l'économie mondiale, Schwab et Malleret comptent essentiellement sur l'intelligence artificielle et sur l'automatisation, les secteurs qui vont servir de locomotives. C'est précisément dans cet angle qu'on comprend comment la crise de la covid-19 est instrumentalisée pour pousser cette "grande réinitialisation": parce qu'afin d'inciter les entreprises à investir, il est d'abord nécessaire de créer la demande [le besoin] pour davantage d'automatisation, et de susciter la volonté de participer à établir un nouveau monde capable de fonctionner lors d'éventuelles épidémies à venir. Le plein retour à la normale pourrait être conditionnel à l'application de nouvelles normes sanitaires ou à une mise à niveau technologique, voire au jumelage des deux. Il n'est pas si farfelu de s'imaginer que le confinement et ses conséquences puissent servir de prétexte, voire de tremplin, à une relance économique centrée sur la "4ème révolution industrielle" prônée par Schwab. 

Un extrait du sous-chapitre sur la réinitialisation technologique explique "qu'à mesure que la crise du coronavirus se résorbera et que les gens commenceront à retourner au travail, les entreprises s'orienteront vers une surveillance accrue; pour le meilleur ou pour le pire, elles surveilleront et parfois enregistreront ce que fait leur personnel. La tendance pourrait prendre de nombreuses formes différentes, de la mesure de la température corporelle avec des caméras thermiques à la surveillance, via une application, de la manière dont les employés respectent la distanciation sociale. (...) Elles invoqueront la santé et la sécurité pour justifier une surveillance accrue". Les entreprises seront certainement sollicitées pour investir dans ce type de technologie. On peut supposer qu'il y aura toutes sortes d'incitatifs, et peut-être même des ristournes. 

La crise sanitaires peut aussi être instrumentalisée afin d'encourager de nouvelles habitudes de consommation et l'acceptation populaire de mesures permanentes [par exemple, le traçage et le passeport vaccinal]. Schwab et Malleret expliquent le consentement de la population ainsi: "la plupart des gens, craignant le danger que représente la COVID-19, se poseront la question : N'est-il pas insensé de ne pas exploiter la puissance de la technologie comme moyen de nous aider alors que nous sommes victimes d'une épidémie et confrontés à une question de vie ou de mort ? Ils seront alors prêts à renoncer à une grande partie de leur vie privée et conviendront que, dans de telles circonstances, la puissance publique peut légitimement passer outre les droits individuels". Voilà qui illustre comment le narratif alarmiste est et sera utilisé pour vendre cette technologie. On emploie "question de vie ou de mort", alors que pour l'immense majorité de citoyens en santé, ce virus n'est pas mortel. 

Une crise économique majeure était crainte et considérée imminente par nombre d'économistes. À cette menace, aura-t-on préféré une crise qu'on est capable de "piloter" et qui ne sacrifie qu'un nombre restreint de grands joueurs - tout en profitant grassement à certains autres? 

Les confinements n'ont pas nuit à la majorité des géants [hormis les compagnies aériennes]. L'exemple par excellence: la compagnie Amazon est en train de réaliser des profits record qui vont lui permettre d'investir massivement dans la livraison par drones [dont l'essor est annoncé dans l'ouvrage]. 

Les grandes chaînes de restauration rapide souffrent beaucoup moins que les petits restaurants indépendants qui n'offraient pas service de "take out" ou de livraison. Les auteurs relatent que 75% des restaurants ne pourraient pas survivre au confinement et aux mesures sanitaires. Que va-t-il advenir? On peut imaginer que certains établissements seront rachetés par des chaînes - ou la création de nouvelles chaînes par de riches investisseurs. Dans la section sur l'accélération de la transformation numérique, ils notent que jusqu'à 86 % des emplois dans les restaurants, pourraient être automatisés d'ici 2035 [il en va de même pour 75 % des emplois dans le commerce de détail et 59 % des emplois dans le secteur du divertissement]. Imaginez le boom économique dans le secteur de l'automatisation et de l'intelligence artificielle. 

Avec cette grande réinitialisation axée sur l'automatisation, on peut craindre une érosion accentuée de la classe moyenne [voire sa disparition], et un accroissement massif du chômage qui pourrait amener les sociétés à adopter un revenu de base garanti - la PCU en serait-elle un avant-goût? Et même si le prospect d'un revenu de base universel est susceptible d'en réjouir plusieurs, il ne faut pas croire qu'il donnera mieux que l'assistance sociale, qui permet à peine aux prestataires de vivoter. 

Il peut certes sembler "complotiste" de croire que toutes les décisions prises pendant la crise sanitaire ont été dictées par le Forum Économique Mondial ou quelconques puissants acteurs sur la scène mondiale en vue de parachever un agenda globaliste. Il faut comprendre que la grande majorité des gouvernants actuels sont acquis au mondialisme et que la plupart d'entre eux jouent essentiellement le rôle d'administrateurs. Ce sont davantage des gérants que des gens d'idées. La classe politique évolue dans une chambre à écho où les faiseurs d'opinion comme Klaus Schwab et Thierry Malleret exercent une influence de taille. Il serait naïf de croire qu'il n'y a pas des gens influents qui tirent les ficelles dans les coulisses de la politique et qui cherchent à instrumentaliser la crise sanitaire. On ne peut pas nier le pouvoir de l'argent et son impact sur les élus. Des promesses d'investissement sont toujours susceptibles d'influencer les décisions politiques. 

Certains diront que le volet environnemental et ses promesses d'un monde plus vert rendent le projet souhaitable. On peut difficilement dire qu'on est contre "l'environnement" - mais on peut vouloir lutter contre la pollution et la dégradation de l'environnement sans adhérer au discours environnementaliste alarmiste de Greta Thunberg, ni au Green New Deal mis de l'avant par Alexandria Ocasio-Cortez, et surtout sans faire confiance aux participants de Davos pour prendre la situation en charge, et sans vouloir avaler en bloc tout ce plan de réinitialisation. 

Quoiqu'il en soit, ce projet de "grande réinitialisation" est présenté au grand jour et il exprime la volonté politique d'une élite mondialiste qui désire réinitialiser l'économie avec une "4ème révolution industrielle" centrée sur l'intelligence artificielle et l'automatisation des services, avec en parallèle l'imposition de normes néo-progressistes ["woke"] pour créer un monde plus "équitable". Le risque de se réveiller dans un univers dystopique [ou, si ce n'est déjà le cas, de s'y enfoncer davantage et d'y demeurer] est bien réel. 

Si on se fie à Jason Kenney [PM de l'Alberta], tous les dirigeants politiques ont reçu un exemplaire de ce livre. John Kerry a révélé que Joe Biden était dévoué à la mise en oeuvre du "Great Reset". François Legault, qui a assisté à la réunion annuelle de Davos par deux reprises n'est pas étranger aux écrits de Klaus Schwab. En juillet 2017, il avait tweeté avoir lu la "4ème révolution industrielle", le précédent livre de Schwab. Il a certainement lu l'ouvrage de 2020. Il serait primordial que les journalistes posent des questions en lien avec cette "grande réinitialisation" aux politiciens, pour qu'on en sache davantage sur leur vision de l'après-covid-19. 



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